
Désormais âgé de 70 ans, le crooner britannique Tom Jones vient de réaliser l’un de ses meilleurs disques. Avant la fin des années 90, gageons que personne n’aurait osé miser le moindre centime sur le fait que Mister Jones fasse encore parler de lui aujourd’hui. Cantonné au rôle de chanteur de divertissement nocturne pour aînés en week-end à Las Vegas, affligé d’une réputation de musicien kitsh et ringard au possible, Tom est parvenu à faire un come-back des plus improbables.
Souvenez-vous… En 1999, le single "Sex Bomb" tourne en boucle à la radio. Avec ce tube imparable, au groove incandescent et à la mélodie d’une efficacité redoutable, le monde redécouvre l’artiste gallois. Tom le prolifique – la liste de disques qu’il a sortis depuis 1965 donne le vertige – nous faisait alors une démonstration d’interprétation vocale. C’est la force du gaillard: son timbre en or semble capable de s’adapter à tous les styles. Il a durant des décennies témoigné d’un net penchant pour chanter des titres pop sucrés, funky et soul. Fidèle à sa réputation d’"entertainer" hors pair, Tom a toujours eu l’air de s’amuser comme un gamin, quitte à passer pour quelqu’un d’immature incapable de prendre le recul nécessaire à susciter des émotions profondes chez les auditeurs. Mais voilà que la donne change avec son nouveau disque "Praise & Blame".
D’emblée, avec la très belle et poignante reprise de Bob Dylan "What Good Am I?", le chanteur nous dévoile un côté introspectif inédit. Une instrumentation minimaliste mais fignolée avec tact laisse la place à la magnifique voix du crooner. "Lord Help" sonne comme un bon vieux blues, balancé comme il faut et parsemé d’un riff de guitare âpre, précis et entêtant. "Did Trouble Me" calme le jeu et prend aux tripes, via un chant vibrant et une orchestration acoustique dosée à la perfection.
L’authenticité distillée par Tom Jones sur "If I Give My Soul", sublime morceau écrit par Billy Joe Shaver, évoque les meilleures chansons des Tindersticks. L’interprète expérimenté n’oublie pas de faire danser son public avec "Don’t Knock", genre rock’n’roll des années 50. Sur le blues moite, lancinant et boitillant "Nobody’s Fault but Mine", on se rapproche d’une atmosphère à la Tom Waits. Retour à un son plus rock avec "Didn’t It Rain" avant de passer à une country virile, dans le style de Johnny Cash, sur "Ain’t No Grave".
Soul, gospel, rock, blues, country – Mister Jones nous convie sur ce "Praise & Blame" à une plongée vers les racines historiques de la musique américaine. L’artiste témoigne d’une maestria irrévocable. Bien sûr, tout cela peut sonner un peu vieillot aux oreilles des jeunes générations. Mais ce choix de faire un disque en faisant fi des modes a en même temps de quoi rassurer. Et l’on aurait franchement tort de lui reprocher de simplement vouloir se faire plaisir.MySpace de Tom JonesSite officiel de Tom Jones